Bouquet spirituel:
11 mai
À trois lieues de Bourges, s'élève le modeste village de Villemont, où naquit Solange en 860. Ses parents, modestes vignerons, étaient pauvres des biens de la terre, mais par contre étaient des modèles de probité et d'honneur. Dans ces temps de foi, où le souffle glacial de l'athéisme n'avait pas encore, plus ou moins, banni les coutumes chrétiennes, on ne parlait pas seulement de Dieu dans les familles, on s'entretenait aussi des Saints qui sont Ses amis; et le soir, quand revenus de leur dur labeur, le père et ses enfants se reposaient en prenant leur frugal repas, leur pauvreté était réconfortée par quelque récit emprunté à la Vie des Saints. Ces histoires passaient de génération en génération, apportant avec elles leurs fortes leçons et leur poésie. Nos pères y puisaient de mâles vertus. Agnes, la douce vierge de treize ans, qui préféra le martyre aux plaisirs mondains, fut celle que Solange prit pour modèle.
À sept ans, Solange crut entendre, un jour une voix mystérieuse lui dire: «Viens, Je t'épouserai éternellement. Je suis à Vous, prenez-moi, Seigneur», balbutia l'enfant. On verra qu'elle tint parole.
Préposée dès son enfance à la garde des moutons, Solange aimait ce modeste emploi, qui lui laissait le loisir de prier et de contempler Dieu dans Ses créatures. Dans le champ de ses parents, elle s'était fait une sorte d'oratoire rustique. Arrivée au pâturage, tour à tour elle priait, ou elle filait en chantant les louanges de Dieu.
Fidèle à tous les devoirs d'état, elle lavait le linge de la famille; quand, penchée sur l'onde transparente, elle apercevait ses traits, elle se hâtait de troubler l'eau et de briser ce miroir naturel, de crainte que la vanité ne vînt à se glisser dans son âme. Jamais on ne la vit prendre part à aucun divertissement public, ni aux joyeuses réunions de la jeunesse folâtre de son village.
La dévotion et les extases de Solange ne lui faisaient pas oublier l'amour du prochain. Elle était la providence des pauvres, et les plus rebutants avaient ses préférences; elle aurait eu le droit de répéter pour son compte cette parole de saint François de Sales «les mauvaises odeurs sont pour moi des roses».
Il arriva que Rainulfe, fils aîné du comte de Bourges, s'éprit des charmes de Solange et voulut l'épouser. Ne pouvant arriver à ses fins par des moyens légitimes, il se décida à l'enlever, la jeta sur son cheval et s'enfuit au grand galop. Sans se soucier du danger couru, la courageuse vierge se laissa tomber de cheval et chercha à se sauver. Furieux de voir l'objet de son aveugle passion lui échapper, Rainulfe la poursuivit, tira son épée et l'égorgea.
Le Berry a religieusement gardé le souvenir de son héroïque bergère, de la «Bonne Sainte», comme on l'appelle encore aujourd'hui. Le champ de ses parents s'appelle toujours le «champ de Sainte-Solange». Dans le champ, se trouve un oratoire sur l'emplacement de celui qu'édifia Solange. Sur le lieu sanctifié par sa mort, a été édifiée une belle chapelle que consacra, le 10 mai 1874, Mgr de la Tour d'Auvergne.
J.M. Planchet, Nouvelle Vie des Saints, 1947