Bouquet spirituel:
10 février
Sainte Scolastique était la soeur de saint Benoît, patriarche des moines d'Occident. Jeune encore, elle fit, au foyer paternel, de grands progrès dans la vertu. Loin d'imiter les illusions des filles du siècle, elle méprisa la beauté, les richesses, l'alliance des plus grands princes pour s'allier à Jésus-Christ. Suivre Benoît dans la solitude était son unique aspiration. Elle se consacra à Dieu dès sa plus tendre jeunesse, et elle se rapprocha de son saint frère, quand il se fut établi au Mont-Cassin, afin de profiter de ses leçons et de ses exemples.
Benoît ne consentait à voir sa soeur qu'une fois par an, avant le carême, et alors la Sainte sortait de son cloître, et le frère, de son côté, allait au-devant de la soeur; ils se rejoignaient sur le flanc de la montagne, et on voit encore le petit sanctuaire érigé, croit-on, sur les ruines de la chaumière où saint Benoît et sainte Scolastique eurent leur suprême entretien resté si célèbre.
Le 9 février 543, Scolastique était allée visiter son frère, comme de coutume. La journée se passa dans de saints entretiens, et la nuit arriva sans qu'ils s'en aperçussent. "Il est trop tard pour vous retirer, dit la Sainte à son frère; parlons jusqu'à l'aurore des joies de la vie céleste.
– Que dites-vous là, ma soeur? reprit Benoît; je ne puis passer la nuit hors de mon couvent."
Scolastique, affligée de ce refus, se pencha sur la table, et, la tête entre ses mains, pria Dieu en versant d'abondantes larmes. Sa prière fut si promptement exaucée, que le tonnerre grondait déjà quand elle releva la tête, et que la pluie tombait par torrents, bien que le ciel fût auparavant serein et sans nuage: "Qu'avez-vous fait, ma soeur? dit l'homme de Dieu.
– Je vous ai supplié, dit Scolastique, et vous n'avez pas voulu m'écouter; j'ai invoqué Notre-Seigneur, et voilà qu'Il m'exauce."
Dans l'impossibilité de sortir, Benoît resta par force; les deux Saints veillèrent toute la nuit, s'entretenant du bonheur des élus. Le lendemain, la pieuse vierge retourna à son couvent, et, Benoît à son monastère; mais le troisième jour, l'homme de Dieu, dans sa cellule, élevant les yeux en haut, vit l'âme de sa soeur s'envoler dans les airs sous la forme d'une colombe.
Benoît voulut faire déposer le corps de sa soeur dans le tombeau qu'il avait préparé pour lui, afin que leurs corps fussent unis dans la mort comme leurs âmes l'avaient été dans la vie.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950