Bouquet spirituel:
6 juillet
Bertolf, gentilhomme flamand, recherchait avec ardeur une jeune fille noble et accomplie, nommée Godelieve. Elle lui fut accordée. Il semblait que cette union vivement désirée dût être heureuse, et pourtant dès l'abord les fleurs de l'hymen se changèrent en épines: Bertolf, caractère violent et brutal, homme sans éducation et sans foi, conçut pour son épouse une aversion sauvage.
Isolée de sa famille, méprisée de son époux, sans expérience et sans secours, la jeune châtelaine se tourna vers Dieu, son unique soutien. Prier, assister les pauvres et les malades, surveiller sa maison, instruire ses domestiques et travailler de ses mains: telles furent ses continuelles occupations.
Loin d'amollir le cœur du gentilhomme, une si sage conduite l'irrita davantage. Pour punir sa femme d'avoir tant de vertu, il commença par lui ôter l'administration de son intérieur et la faire dépendre elle-même d'un valet, personnage digne d'un tel maître et qui sut enchérir sur les ordres barbares de Bertolf. La victime de ces deux monstres n'avait jamais d'autre pitance qu'un morceau de pain et un verre d'eau; mais en revanche elle recevait avec profusion les injures et les mauvais traitements. Toujours douce et résignée, Godelieve s'encourageait de l'exemple du divin Maître, et s'estimait heureuse de marcher après lui dans la voie des souffrances et des humiliations. Elle donnait aux pauvres la moitié de sa chétive nourriture; et si des âmes compatissantes, pensant la consoler blâmaient les violences de son tyran: «Ne parlez pas ainsi,» leur répondait-elle; «vous me faites de la peine en médisant de Bertolf. Dieu, qui peut changer les cœurs, a voulu ce qui m'est arrivé. Priez pour mon mari; mais, je vous en conjure, n'en dites pas de mal.»
La pensée intime de Bertolf était que sa femme ne résisterait pas au régime qu'il lui avait imposé. Déçu dans son espoir, il ne lui donna plus que la moitié de sa faible ration de pain. Godelieve s'en contenta et continua de partager avec les pauvres. Cependant lorsqu'elle comprit que son persécuteur en voulait à sa vie, elle se sauva chez son père, qui porta ses plaintes au comte de Flandre. Réprimandé par son souverain, Bertolf parut regretter sa conduite, et Godelieve suivit son époux avec l'espoir d'un peu de bonheur tardif. Hélas! Son bourreau ne se contraignit pas longtemps. Elle s'aperçut bien qu'il voulait se défaire d'elle à tout prix; néanmoins elle ne le quitta plus et s'abandonna sans réserve à la Providence. Lui, désespérant qu'elle mourut de faim, chargea deux misérables de l'étrangler en son absence, et l'on cacha le crime sous la déclaration d'une mort subite (1070). Les personnes qui virent le corps inanimé remarquèrent bien un cercle noir autour du cou, mais elles crurent prudent de garder d'abord leurs soupçons qui devinrent plus tard une triste certitude.
Plusieurs miracles attestèrent la sainteté de cette martyre de la foi conjugale. Ils ébranlèrent, dit-on, Bertolf lui-même: il pleura ses fautes et fit pénitence.
Réflexion pratique Un chrétien qui se retrempe dans le souvenir de la passion du Sauveur, est capable de supporter sans défaillances les plus dures épreuves. Un sort malheureux, chrétiennement supporté, ouvre à l'âme le plus court chemin du ciel.
J.-M. Planchet, Nouvelle Vie des Saints, 2e éd. Paris, 1946