Vies des Saints
nos modèles et nos protecteurs

Bouquet spirituel:

«J'achève dans ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ, pour Son corps qui est l'Église.»

S. Paul, Col. 1, 24

5 novembre

Sainte Bertille
Sainte Bertille

Sainte Bertille
Abbesse
(† 705)

Sainte Bertille naquit dans le Soissonnais d'une noble famille, vers l'an 630 ou 635. Tout enfant encore, elle se sentait appelée par Notre-Seigneur à garder la virginité. Un jour saint Ouen, le grand évêque de Rouen, passant en son pays, lui demanda si elle n'avait pas le désir de la vie religieuse. Bertille répondit que c'était bien sa volonté la plus chère, mais qu'elle redoutait fort l'opposition de ses parents. Le Saint lui recommanda de prier beaucoup: si le Seigneur l'appelait à la vie religieuse, Il saurait bien écarter tous les obstacles. Bertille suivit ce conseil; elle pria, fortifia son âme et enfin vint exposer à ses parents son ardent désir. Et Dieu avait en effet si bien disposé les cœurs de ceux-ci, que non seulement ils ne manifestèrent aucune opposition, mais ils voulurent eux-mêmes la conduire à l'abbaye de Jouarre, que saint Adon avait récemment fondée.

Cette abbaye, qui, selon l'usage fréquent du temps, réunissait sous la règle de saint Colomban deux monastères, l'un d'hommes l'autre de femmes, était gouvernée par l'abbesse sainte Teutlehilde ou Thelchide. Celle-ci s'empressa d'initier Bertille à toutes les vertus religieuses. La jeune fille se livra de tout son cœur à cette formation et bientôt se montra si bien imbue des saintes leçons qu'elle recevait, qu'on pouvait la citer comme un modèle à toutes ses sœurs. Parfaitement oublieuse de sa naissance, elle se soumettait avec une touchante humilité, à toutes les observances: sa charité se prêtait à rendre tous les bons offices, si bien qu'on l'appliqua successivement au service des enfants, des malades, des hôtes. Enfin Teutlehilde l'éleva à la charge de prieure; elle y fit preuve d'un grand tact et surtout savait maintenir tous les cœurs dans la paix.

Un jour cependant une moniale s'échappa jusqu'à lui dire une parole injurieuse; et Bertille, sans perdre cependant possession d'elle-même, répondit: «Je laisse au Seigneur à venger mon injure.» La punition sembla ne pas tarder: la coupable, peu après, fut frappée de mort subite. Bertille ignorait encore cet accident lorsque la cloche convoqua les religieuses au chevet de la défunte. Elle accourt en larmes, s'imputant à elle-même le coup qui venait d'atteindre sa sœur. Elle approche, pose la main sur la poitrine de la morte, la supplie au nom du Christ de revenir à la vie pour lui pardonner. À l'effroi universel, celle-ci en effet soupire, se relève: «Pourquoi me rappeler, dit-elle, de la voie lumineuse où je marchais?» Et comme Bertille, s'humiliant, lui demandait encore son pardon: «Certes, que Dieu te le donne! reprit-elle; car pour moi je ne te garde aucun ressentiment; mais laisse-moi retourner au bonheur vers lequel je m'achemine. — Va donc, lui dit la prieure, dans la paix du Christ et implore pour moi Sa clémence!» La ressuscitée se rendormit doucement, sous les yeux ravis et consolés de la communauté. Tel est le récit que nous a conservé le biographe, presque contemporain, de la Sainte.

Cependant la reine Bathilde, veuve de Clovis II et régente de Neustrie pendant la minorité de son fils Clotaire III, caressait l'espoir, une fois déposé le fardeau du gouvernement, de se retirer dans un monastère, pour n'y plus servir que Dieu. Dans ce but, elle entreprit vers 658 la construction d'une abbaye au lieu appelé Cala, aujourd'hui Chelles-sur-la-Marne, à 26 kilomètres de Meaux. Elle désirait y faire, comme à Jouarre, la réunion, sous une même abbesse et sous la règle de saint Colomban, d'un double monastère, l'un de moines, l'autre de moniales. Les bâtiments prêts, elle s'occupa de les peupler; elle s'adressa à Theutlehilde, lui demandant en grâce quelques-unes de ses filles et, pour les gouverner, cette Bertille dont la renommée toute sainte était parvenue jusqu'à elle comme un parfum. L’abbesse ne pouvait repousser cette supplique de la reine. Malgré les résistances de son humble prieure, elle lui donna l'obédience d'aller fonder le nouveau cloître. Le jeune essaim partit sous la conduite de l'aumônier de Bathilde, en même temps son ministre, saint Genès, qui peu après montait sur le siège épiscopal de Lyon.

Bertille garda, dans sa stalle d’abbesse, la douce modestie qui avait été sa vertu favorite à Jouarre. Il n'était sans doute pas aisé de diriger cette double communauté et de faire, comme à d'humbles religieuses, accepter son autorité à des hommes, à des prêtres. Le tact de la jeune supérieure – elle avait au plus trente ans – sa charité, le charme de ses vertus y réussirent pleinement.

Bertille se signala particulièrement par la fervente piété qui lui faisait prendre, en personne, soin des églises et des autels, qu'elle ornait avec tout son goût, et par son zèle pour le salut des âmes et la prospérité du monde chrétien: à cette intention elle demandait aux prêtres de célébrer chaque jour le saint sacrifice. Si bien que, la réputation de Chelles se répandant, on y vit affluer postulants et postulantes venus même de pays éloignés et jusque d'Angleterre. Plusieurs fois aussi, de ces contrées, des rois eux-mêmes sollicitèrent que des colonies vinssent de Chelles s'établir sur leurs terres. Bertille ne rejeta point ces demandes; elle envoya les religieux et les religieuses que l'on désirait, et avec grande bienveillance elle les munit de reliques et de livres, afin qu'ils pussent plus fructueusement travailler au bien des fidèles.

En 665, la reine, qui n'avait jamais perdu de vue son œuvre et se réjouissait de la voir prospérer, quitta la cour, remettant aux mains de son fils le pouvoir qu'elle avait saintement exercé. Elle accourut alors à Chelles, heureuse de s'humilier, de se perdre au rang des plus simples filles de Bertille. On put la voir quinze ans encore dans ce rang modeste où elle acheva de donner à son âme la perfection qui lui a valu les honneurs de la canonisation.

Bertille survécut longtemps à sa royale amie, se consacrant davantage, à mesure que les années s'avançaient, à l'austérité et à la prière. Enfin, cédant à la vieillesse plus qu'à la maladie, elle s'éteignit doucement, en élevant vers le ciel ses regards et ses mains. Il y avait quarante-six ans qu'elle était arrivée à Chelles.

Père René Moreau , S.J., Saints et Saintes de Dieu, Lectures quotidiennes, Tome II, Paris, Maison Alfred Mame et fils, 1925.

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