Vies des Saints
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Bouquet spirituel:

30 janvier

Sainte Aldegonde
Sainte Aldegonde

Sainte Aldegonde
Abbesse à Maubeuge
(† 684)

Sainte Aldegonde eut pour père le prince Walbert, issu en droite ligne des premiers rois de France, et pour mère la princesse Berthille, qui, selon quelques-uns, était fille de Bertaire, roi de Thuringe. Le mariage de ces deux illustres personnes fut béni du ciel par la naissance de deux filles: l’aînée, qui s’appelait Waldetrude, ou Vautrude, occupera aussi très dignement sa place dans la Vie des Saints; et la cadette, qui fut nommée Aldegonde, naquit dans un bourg de Hainaut, au Pays-Bas, l’an 630, sous le règne de Dagobert Ier.

Dieu fit paraître de bonne heure qu'il entreprenait Lui-même la direction de cette sainte fille, lui envoyant l’apôtre saint Pierre pour l'instruire de ce qu’elle devait faire pour la bonne conduite de sa vie; elle fut aussi souvent consolée par la visite des Anges, et même par celle du Roi des Anges, qui, dès lors, la choisissait pour Sa chère épouse.

Ses parents, qui avaient d’autres vues sur elle, s’efforcèrent, par toutes sortes de moyens, de l’engager dans le monde; et il arriva fort à propos, pour leur dessein, qu’elle leur fut demandée en mariage pour le fils d’un prince anglais nommé Eudon. Aldegonde fut extrêmement embarrassée, parce qu’elle appréhendait de fâcher ceux qu’elle honorait comme représentant la personne de Dieu sur la terre. Cependant, prenant courage, elle fit entendre généreusement à sa mère qu’elle ne voulait point avoir d’autre époux que le Fils unique de Dieu.

Cette réponse ne plut pas à ses parents. Son père usa donc de son autorité et, sans avoir égard aux inclinations de sa fille, il la promit au jeune prince anglais, et commanda en même temps à la jeune princesse de se mettre en état de le recevoir. La pauvre fille, fort surprise, supplia sa mère de lui donner du moins quelques jours pour se résoudre, puisque, dans cette affaire, il y allait du repos de toute sa vie et du salut de son âme. On le lui accorda. Le terme expiré, Aldegonde, ne sachant plus que faire pour reculer, eut recours à son Époux céleste, qui, fortifiant son courage d’une sainte résolution, lui inspira de prendre la fuite.

Elle se déroba donc, à la faveur de la nuit, des mains de sa gouvernante; et, gagnant au travers des forêts, elle prit les sentiers les moins fréquentés, jusqu’à ce qu'elle fût arrivée sur les bords de la rivière de Sambre. Comme elle ne trouva point de bateau pour la passer, et qu’elle appréhendait d’être poursuivie, elle implora de nouveau le secours du ciel et la main du Tout-Puissant, afin qu’Il la prit sous Sa protection et ne souffrit pas que le courant de cette rivière arrêtât un moment le succès de sa généreuse entreprise. Sa prière fut exaucée, et Dieu envoya deux esprits célestes qui, soulevant visiblement cette princesse toute angélique, la passèrent légèrement à l’autre bord de ce fleuve, sans même qu’elle se mouillât les pieds; puis les Anges disparurent aussitôt, et Aldegonde fut inondée de consolation à la vue de ces merveilles de son Dieu.

Ensuite elle se retira dans une forêt, où elle fit une petite chapelle, résolue de ne point quitter ce lieu que ses parents ne lui promissent de ne plus lui parler de mariage. Le seigneur Walbert et la princesse Berthille, reconnaissant par à la volonté de Dieu sur leur fille, et certains qu’ils ne gagneraient rien sur son esprit, consentirent enfin à ce qu’elle gardât sa virginité.

Quand Aldegonde se fut retirée en son désert de Maubeuge, sa sœur Vautrude l’y alla visiter et lui laissa ses deux filles, Aldetrude et Maldebette, afin qu’elle les élevât dans la voie de la perfection; elle y réussit si heureusement, que ses nièces, l'ayant imitée, lui succédèrent en son abbaye, où elles attirèrent après elles un grand nombre de filles, pour y vivre religieusement, et devinrent enfin l’une et l’autre de très grandes Saintes.

Cependant, comme il n’y a point de lieu si sacré, ni de compagnie si sainte où la détraction ne trouve entrée, ni de vertu si éminente qui ne soit sujette à la censure des langues médisantes, quelques libertins eurent la malice de calomnier cette sainte vierge, et s’efforcèrent même de lui faire ressentir les effets de leur méchante volonté. Mais la sainte abbesse, jetant les yeux sur son céleste Époux Jésus-Christ, s’estimant d’autant plus heureuse, qu’elle se voyait méprisée par les hommes; dans cette conduite, Notre-Seigneur même la confirma, lui faisant connaître que les mépris, regardés avec égalité d'esprit, étaient le grand chemin par où tous les Saints, après le Saint des Saints, avaient marché.

Comme Aldegonde était en prières dans l’église, à l’heure du décès de saint Amand, elle aperçut, dans un ravissement d’esprit, un vénérable vieillard, revêtu d’habits pontificaux et environné de gloire, qui montait au ciel, suivi d’un très grand nombre d’esprits bienbeureux. La Sainte considérait attentivement la pompe de ce triomphe; et elle entendit la voix d’un Ange qui lui dit: «C’est l’évêque Amand, dont vous avez chéri les vertus et le mérite pendant sa vie». Aldegonde ayant déclaré cette vision au Bx Guislin, qui l'était venu visiter, il lui dit que c'était un présage évident de sa mort prochaine. Elle n’en fut nullement surprise; mais, se soumettant au bon plaisir de Dieu, elle remercia le Saint de ce qu'il lui annonçait une si agréable nouvelle.

Une autre vision, quoique bien différente, ne la consola pas moins; Dieu lui fit voir l'ennemi du genre humain, sous une figure épouvantable, et qui paraissait extrêmement triste; la Sainte lui en ayant demandé raison, il répondit: «Que son plus sensible déplaisir venait de ce qu’il voyait chaque jour les hommes monter au ciel, d’où il était banni». Ces paroles du démon, qui, forcé par la vérité, avouait le sujet de sa rage, embrasèrent d’autant plus le désir d’Aldegonde, de sortir de ce monde parfaitement purifiée, afin qu'à l'heure de la mort elle n’eût rien qui pût la retarder de jouir de la présence de son Bien-Aimé. Elle le demanda instamment Notre-Seigneur, et l'obtint enfin de Sa miséricorde; car, pour achever d’épurer Sa vertu, Il permit qu'un cancer se formât sur sa mamelle droite; ce qu’elle supporta avec beaucoup de patience et avec de grands témoignages de joie, louant et bénissant continuellement Dieu de ce qu'il Lui plaisait de la visiter par des châtiments, qu’elle confessait être dus à ses offenses et à son manque de dévotion.

Le bourg de Goursolre, où naquit et mourut sainte Aldegonde, possède encore un caveau qui lui servait d’oratoire; les visiteurs emportaient jadis dévotement quelques parcelles de terre, comme préservatifs contre les maux de tête.

Le père Triquet, jésuite, nous dit qu’on l’invoquait journellement pour la délivrance de ceux qui sont possédés du malin esprit, contre les chancres, abcès au sein, douleur de tête, contre les fièvres et les esquinancies; autant de maladies par lesquelles Dieu éprouva sainte Aldegonde.

On l’invoquait encore particulièrement contre la mort subite. Depuis un temps immémorial on a célébré le jour de sa fête une messe dite de mort subite; anciennement, beaucoup de monde y assistait, et le prêtre revêtait la chasuble qu’on dit avoir été façonnée par les mains de sainte Aldegonde. Voici le récit qui a trait à cette coutume: Un homme de Dieu inspiré d’en haut, l’ayant avertie que sa mort approchait, et qu’elle devait s’y préparer par des jeûnes et des prières, la sainte sans se troubler répondit: «qu’elle irait avec joie dans la maison du Seigneur. Quand la mort viendra, ajouta-t-elle, elle sera la bienvenue, elle mettra fin aux misères de la vie que je traîne ici-bas.»

Avant la révolution de 1793, la grande fête de la patronne de Maubeuge se célébrait le mardi de la Pentecôte: «Une population immense venait ce jour-là invoquer la sainte pour la guérison des maux de tête, des maux de gorge, de la fièvre, etc. Dans le principe, il y avait à la procession cinq ou six chars chargés d’enfants, de jeunes filles et d’hommes, représentant divers sujets de la vie de sainte Aldegonde; puis un char triomphal, portant les reliques de la sainte qu’entouraient six hommes couverts de capes bleues et coiffés d’un chapeau donné par l’abbesse. Un géant était le complément obligé du cortège. Plus tard, l’ordonnance de la fête n’admit plus qu’un seul char pour porter la châsse. Ce char était tout doré ainsi que deux anges placés sur le devant.» (Coutumes et Traditions des Provinces de France)

Au dix-neuvième siècle, la procession solennelle de sainte Aldegonde, à Maubeuge, où se pressaient une foule de pèlerins, dont quelques-uns venaient de fort loin, avait lieu le dimanche de la Trinité. On y portait les précieux restes de la sainte; mais le char, vendu à la Révolution, a été acquis par la municipalité de Cambrai, où il figurait dans les marches historiques qui avaient lieu de temps à autre dans cette ville.

Père Giry, Les petits Bollandistes, Vies des Saints, Tome II, Paris, Bloud et Barral, Libraires, 1876; Abbé V.G. Berthoumieu, Fêtes et dévotions populaires, Paris, Victor Sarlit, Libraire-éditeur, 1873.