Bouquet spirituel:
8 décembre
Romaric était un leude opulent, dont les biens furent confisqués et le père égorgé pendant la lutte fratricide entre les deux petits-fils de Brunehaut, Théodebert et Thierry. Après la mort de celui-ci, il avait récupéré son vaste patrimoine, et il occupait une haute position à la cour de Clotaire II, devenu seul maître des trois royaumes francs.
Amat, moine de Luxeuil, était venu prêcher en Austrasie. Romaric le reçut à sa table, et l'interrogea sur le meilleur moyen de faire son salut: «Je m'étonne, lui répondit le religieux, qu'un homme intelligent comme toi ne se souvienne pas de la réponse du Seigneur à celui qui lui faisait la même demande: Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et viens me suivre: tu auras ton trésor au ciel.»
Dès ce moment, Romaric appartint à Dieu. Il distribua aux pauvres toutes ses terres, à l'exception de son château de Habend, rendit la liberté à une foule de serfs, et partit pour Luxeuil, afin de s'y faire moine. Une fois religieux, il rechercha les occupations les plus basses, et surpassa tous les frères par sa régularité.
Quelques années après, Romaric et Amat quittèrent Luxeuil et se rendirent dans le domaine que Romaric s'était réservé. Ils y édifièrent une église et y fondèrent le plus grand monastère de femmes qu'on eût encore vu en Gaule. Amat en prit d'abord le gouvernement, mais s'en déchargea bientôt sur Romaric qui le dirigea durant vingt-cinq ans.
Sur la fin de sa vie, ayant appris que Grimoald, maire du palais sous le roi Sigebert, menaçait les droits du jeune héritier de ce prince, Romaric, descend de sa montagne et se rend au palais, qu'il n'avait pas revu depuis trente ans, pour dénoncer au roi les périls de la patrie; informé de son approche, Grimoald va au-devant de lui. À l'aspect de ce vieil homme de Dieu, il crut voir une apparition surnaturelle, et trembla. On ne dit pas ce qui se passa entre eux. On sait seulement que Grimoald promit de faire tout ce qui lui était demandé. Romaric mourut trois jours après; sa cendre fut réunie à celle de saint Amat, le maître et l'ami qui l'avait conduit à Dieu par le rude sentier.
Réflexion pratique: Vivre dans le dépouillement: voilà le meilleur moyen de faire son salut. Du moins, si nous restons dans le monde, n'y attachons pas notre cœur.
L’abbé J. Pradier, curé de St-Agne (Dordogne), La Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Lille, Société de Saint-Augustin, Desclée, De Brouwer et Cie, 1889.