Bouquet spirituel:
13 février
Polyeucte, fils d’un riche seigneur d’Arménie et officier fort distingué de l’armée romaine, mais païen, était lié d’amitié avec un chrétien, Néarque, comme lui chef dans la garnison de Mélitène. Arrivèrent les jours de persécution. Une tristesse profonde s’empara de Néarque, à la pensée de voir se rompre l’intimité qui l’unissait à Polyeucte. Celui-ci, insista pour connaître la cause d’un tel changement:
«Cher ami, répondit Néarque, je redoute la séparation qui va mettre fin à notre ancienne amitié.
— Que dis-tu là? Néarque, s’écrie Polyeucte; comment pourrait nous arriver un tel malheur?
— C’est, ô mon cher Polyeucte, cet édit de l’empereur qui va nous séparer», répliqua Néarque. Polyeucte se sent frappé au cœur.
«À la vérité, je ne suis pas baptisé, reprend-il, mais je vais te confier quelque chose, ami, qui empêchera cette désunion. J’ai vu en songe le Christ que tu adores S’approcher de moi, me dépouiller de ce méchant habit qui me couvre, et me revêtir d’un vêtement précieux.
Plein d’allégresse, Néarque interrompit son ami:
«Tu connais le Christ, Polyeucte, ce Christ, qui est vraiment Dieu?
— N’est-Il pas le Dieu de mon ami? dit Polyeucte. Mon âme n’était-elle pas saisie de respect quand tu parlais de Lui? Pour être chrétien, il ne m’en faut plus que le nom, car je le suis déjà de cœur. Et pourquoi ne ferions-nous pas, ô Néarque, une déclaration publique de notre foi au Christ?
— Aucune chose de ce monde, ô Polyeucte, n’est préférable à la vie qui est dans le Christ. C’est la seule que j’ambitionne.
— Promettons-nous donc, ajouta Polyeucte, d’obéir avant tout à Ses divines volontés».
Et, ce disant, il va saisir l’édit de persécution, le déchire et en jette les morceaux au vent. Puis, voyant placer dans le temple les idoles sur les autels, il s’en approche et les brise contre terre. Cet acte audacieux attira Félix, son beau-père, gouverneur de la ville. Atterré, celui-ci s’écria:
«Malheureux que je suis, mes enfants sont perdus, personne ne pourra sauver ce téméraire qui vient de briser nos dieux.
— Voilà, répondit fièrement Polyeucte, voilà comment le serviteur du Christ humilie vos idoles.»
Félix essaya en vain d’ébranler la foi de son gendre. Quand Pauline, épouse de Polyeucte, eut appris de son père, Félix, l’arrestation de son mari, prenant avec elle son fils, elle courut tout en larmes vers le prisonnier pour le faire changer de résolution. Celui-ci tint ferme contre cet assaut. Dépité et craignant de perdre la faveur impériale, Félix eut la barbarie de condamner son gendre à la mort.
Avant d’aller au supplice, Polyeucte fit à son épouse des adieux déchirants, mais pleins de force chrétienne et de dignité. Apercevant Néarque au lieu de l’exécution, il lui dit: «Souviens-toi que tu as promis de me suivre.» Et le glaive du bourreau introduisit le généreux martyr dans la céleste patrie.
Les actes du martyre de saint Polyeucte ont fourni au grand poète Corneille le sujet de l’un des chefs-d’œuvre les plus remarquables de la tragédie française.
Vie des Saints pour chaque jour de l'année, à l'usage des Frères des écoles chrétiennes, Paris, Procure Générale, 1932