Bouquet spirituel:
5 septembre
Saint Laurent Justinien naquit à Venise. On remarqua en lui, dès son enfance, une docilité peu commune. Sa pieuse mère le grondait quelques fois pour le prémunir contre l'orgueil, le tenir dans l'humilité et le porter à ce qu'il y avait de plus parfait. Il répondait alors qu'il tâcherait de mieux faire, et qu'il ne désirait rien tant que de devenir un Saint. Une vision de la Sagesse éternelle le porta vers la vocation religieuse; il s'y essaya d'abord par la pénitence, coucha sur le bois ou la terre nue, et brisa son corps par les macérations. Laurent ne tarda pas à s'enfuir chez les chanoines réguliers de Saint-Georges-d'Alga, où il prit l'habit.
Ses premiers pas dans la vie religieuse montrèrent en lui le modèle de tous ses frères: jamais de récréations non nécessaires, jamais de feu, jamais de boisson en dehors des repas, fort peu de nourriture, de sévères disciplines: c'était là sa règle. Quand, par une grande chaleur, on lui proposait de boire: "Si nous ne pouvons supporter la soif, disait-il, comment supporterons-nous le feu du purgatoire?" Il dut subir une opération par le fer et par le feu; aucune plainte ne sortit de sa bouche: "Allons, disait-il au chirurgien dont la main tremblait, coupez hardiment; cela ne vaut pas les ongles de fer avec lesquels on déchirait les martyrs." "Allons quêter des mépris, disait-il à son compagnon de quête, lorsqu'il y avait quelque avanie à souffrir; nous n'avons rien fait, si nous n'avons renoncé au monde." À un frère qui se lamentait parce que le grenier de la communauté avait brûlé: "Pourquoi donc, dit-il, avons-nous fait le voeu de pauvreté? Cet incendie est une grâce de Dieu pour nous!"
Il ne célébrait jamais la Sainte Messe sans larmes, et souvent il y était favorisé de ravissements. Ses vertus l'élevèrent d'abord aux fonctions de général de son Ordre, puis au patriarcat de Venise, malgré ses supplications et ses larmes. Il parut aussi admirable pontife qu'il avait été saint religieux; son zèle lui attira des injures qu'il reçut avec joie; sa charité le faisait bénir de tous les pauvres; sa ponctualité ne laissait jamais attendre personne, sa bonté agréait tout le monde: il était regardé de tous comme un ange sur la terre. Après de longs travaux, il sentit sa fin prochaine: "Un chrétien, dit-il, après saint Martin, doit mourir sur la cendre et le cilice."
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950