Bouquet spirituel:
31 juillet
Justin de Jacobis naquit le 9 octobre 1800 à San-Fele, dans le royaume de Naples: il était le septième d'une famille de quatorze enfants. À dix-huit ans, se sentant appelé à une vie plus parfaite, il entra dans la Congrégation de la Mission et fut ordonné prêtre le 12 juin 1824. Pendant quinze années, il travailla à l'évangélisation des peuples de la province napolitaine. En 1839, le Saint-Siège le nomma préfet apostolique d'Abyssinie, et le chargea de porter la foi catholique dans ce pays où, jusque-là, elle était prohibée sous les peines les plus sévères.
Par ses vertus et son savoir-faire, Justin de Jacobis réussit à gagner la confiance du ras Oubié, au point que ce prince hérétique lui confia la présidence d'une ambassade qu'il envoyait en Égypte chercher un abouna (évêque). De Jacobis eut le talent d'amener les délégués à faire avec lui le pèlerinage de Rome; ce qui leur donna une haute idée de l'Église catholique et valut à lui-même une existence officielle. Mais cette tolérance prit fin le jour où le capucin, Mgr Massaïa, vint faire des ordinations en Abyssinie. Cet acte éveilla la jalousie de l'abouna Salama et provoqua une première persécution.
L'élévation de M. de Jacobis à l'épiscopat acheva d'irriter l'abouna. Après avoir reculé pendant deux ans devant la dignité épiscopale, M. de Jacobis finit par se rendre aux raisons que lui apporta Mgr Massaïa entre autres que, en mission, les évêques sont moins des époux que des victimes. Le sacre eut lieu à huis clos, à Massouah, à trois heures du matin, avec pour assistants deux prêtres abyssins ignorant le latin et les cérémonies de la messe (7 janvier 1849). Dès qu'il eut connu la consécration épiscopale de Mgr de Jacobis, l'abouna Salama résolut de se défaire de ce concurrent et envoya des gens pour le prendre. Mgr de Jacobis lui échappa et alla demander l'hospitatité au ras Oubié.
Mais à Gondar, Théodoros, un aventurier heureux, avait épousé les haines de l'abouna et persécutait cruellement les catholiques. Mgr de Jacobis crut devoir aller au secours de ses ouailles: il fut lui-même emprisonné cinq mois durant, en même temps que cinq moines restés fidèles à la foi catholique. Pour se défaire de lui, l'abouna imagina de le faire conduire par une escorte dans le désert au Sennaar et de l'y abandonner. Heureusement, les soldats, plus humains, se contentèrent de le conduire sur les confins du Tigré et de lui rendre la liberté.
La tranquillité au Tigré fut de courte durée; car cette région fut bientôt envahie et Mgr de Jacobis réfugié à Halay tomba entre les mains de son ennemi acharné, l'abouna Salama. «Me voici logé avec les mulets, les chevaux et les veaux, écrivait-il; enfin, on me traite comme un roi.» Après vingt-deux jours de détention, il fut relâché moyennant une forte rançon, le 3 mars 1860.
En sortant de captivité, Mgr de Jacobis alla chercher un refuge dans le village d'Emcoullo, sur les bords brûlants de la mer Rouge. Épuisé par les ardeurs du climat, les souffrances et les privations, il quitta ce village le 29 juillet, avec tous ses moines, ses enfants et les chrétiens réfugiés, pour se rendre à Halay.
Le lendemain, vers dix heures du matin, en plein désert, il dit: «Mes enfants, allez lentement, car ma tête n'y tient plus.» À onze heures, il tomba de sa monture, s'assit sur une pierre et voulut se confesser. Il rassembla alors tous ses moines, leur recommanda la persévérance dans la foi catholique, et demanda qu'on lui administrât l'extrême-onction. La cérémonie terminée, il se mit à genoux, demanda pardon à tous ceux qui étaient présents, des scandales qu'il disait leur avoir donnés. Il s'assit de nouveau sur une pierre, inclina la tête, couvrit son visage de sa toge et vers trois heures de l'après-midi, il s'endormit dans le Seigneur. C'était le 31 juillet 1860.
Le pape Pie XII l'a placé, le 25 juin 1939, au rang des Bienheureux.
J.-M. Planchet, Nouvelle Vie des Saints, 2e éd. Paris, 1946