Bouquet spirituel:
13 mai
Saint Jean, que son amour du silence et du recueillement a fait surnommé le Silenciaire, naquit à Nicopolis en Arménie; des parents vertueux mirent tous leurs soins à lui donner une éducation chrétienne. Devenu à dix-huit ans possesseur d’une grande fortune, il l’employa en bonnes œuvres. En l’honneur de la très sainte Vierge, il fit construire dans sa ville natale une église et un monastère dans lequel il se retira avec quelques disciples.
Par crainte de tomber dans quelque péché et aussi par esprit d’humilité, il parlait rarement. Si la nécessité l’y obligeait, il le faisait en peu de mots et toujours avec beaucoup de discrétion. Devenu prêtre et élevé, à l’âge de vingt-huit ans, sur le siège épiscopal de Colonia, en Arménie, il fut le père de ses diocésains, parmi lesquels ses prédications et ses exemples firent fleurir la piété.
Son attrait pour la vie humble et cachée le fit renoncer à son siège au bout de neuf ans. Il s’embarqua secrètement pour la Palestine afin d’y vivre inconnu, et se présenta à la grande laure de saint Sabas, où cent cinquante solitaires vivaient en des cellules séparées.
Retiré dans la solitude, Jean s’occupait uniquement des choses du ciel. Après trois ans de cette vie angélique, il fut rappelé et fait économe du monastère. Son Abbé, extrêmement édifié de ses vertus, désira le voir élever au sacerdoce. Conduit à Jérusalem, le saint demanda à parler en secret au patriarche et lui dit: «Mon Père, j’ai été fait évêque; la multitude de mes péchés m’a déterminé à me retirer au désert pour y attendre la visite du Seigneur.»
Le Patriarche, étonné, appela saint Sabas et lui dit: «Dispensez-moi d’ordonner cet homme; j’en suis empêché par les motifs qu’il vient de me révéler.»
Affligé de cet incident, Sabas s’adressa humblement à Dieu pour savoir la vérité. Un ange lui dit alors: «Sabas, console-toi, Jean est un vase d’élection; mais celui qui est évêque n’a pas besoin d’être ordonné prêtre.» Sabas fit venir son disciple, et lui reprocha doucement la réserve dont il avait usé à son égard. Jean, se voyant découvert, voulut quitter la laure, mais l’Abbé ne le lui permit pas. Rentré dans sa cellule, le solitaire resta quatre ans sans parler à personne, puis il se retira dans un désert voisin, où il en passa six autres dans un silence aussi absolu, vivant d’herbes et de racines. Saint Sabas le ramena enfin à sa cellule, où il vécut quarante années encore. Il mourut en 558 à l’âge de cent quatre ans, après en avoir passé soixante-seize au désert.
Vie des Saints pour chaque jour de l'année, à l'usage des Frères des écoles chrétiennes, Paris, Procure Générale, 1932