Bouquet spirituel:
20 novembre
Saint Félix de Valois était petit-fils du roi de France Henri Ier. Sa mère, avant sa naissance, vit en songe un bel enfant armé d'une Croix et entendit une voix lui dire: "Cet enfant est le fils que vous allez mettre au monde, il aura la gloire de changer le lis de France pour la Croix de Jésus-Christ."
Pendant une famine, la nourrice du petit Félix eut l'inspiration de faire tracer à l'enfant, avec sa main, le signe de la Croix sur le pain que l'on distribuait aux pauvres, et ce pain se multiplia tellement, qu'on put en distribuer pendant plusieurs jours à tous les malheureux qui se présentaient. La nourrice lui fit aussitôt bénir les champs d'alentour, et les nuées du ciel, obéissant à la main de Félix, versèrent une pluie féconde qui ramena l'abondance. Cependant le jeune prince croissait en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes, et ne montrant aucun des défauts de l'enfance. Il aimait tant à faire la charité aux pauvres, qu'un de ses oncles l'appelait son grand aumônier.
Après ses études, qu'il fit à Clairvaux, sous la direction de saint Bernard, Félix dut aller à la cour du roi de France, prit part à la Croisade prêchée par le saint moine de Clairvaux, son maître; puis, revenu à la cour, il la quitta bientôt pour se réfugier au désert. Dans la solitude, il sentit son esprit s'illuminer de clartés nouvelles et son âme redoubler de vaillance dans la pratique des vertus évangéliques. Le démon lui déclara une guerre acharnée; mais le Saint triompha de lui par la prière et les plus effrayantes mortifications.
Félix, ayant désormais pour palais une misérable grotte, pour vêtement un cilice, pour mets des herbes amères, renouvela dans sa retraite les merveilles des Antoine et des Hilarion. Par la permission de Dieu, tous les dimanches, un corbeau lui apportait un pain du Ciel. Il habitait le désert depuis bientôt quarante ans, quand saint Jean de Matha, de la part de Dieu, vint le trouver dans sa solitude, pour s'édifier par ses exemples. C'est alors que les deux Saints eurent la vision d'un cerf blanc, portant au front une croix bleue et rouge, et qui venait se désaltérer à la fontaine voisine. Dieu leur révéla l'explication de ce prodige; ils se disposèrent aussitôt à partir pour Rome, afin d'obtenir la fondation d'un institut dont les religieux, vêtus de blanc, porteraient sur la poitrine une Croix bleue et rouge, et travailleraient au rachat des captifs, que les Turcs d'Afrique retenaient par milliers dans les fers. Le Pape Innocent III approuva le projet, l'Ordre fut fondé et produisit un bien immense.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950