Vies des Saints
nos modèles et nos protecteurs

Bouquet spirituel:

14 janvier

Saint Félix de Nole
Saint Félix de Nole

Saint Félix de Nole
Prêtre et Martyr
(† 255)

Félix, prêtre de Nole, s'élevant avec force contre les idoles, fut soumis à divers tourments par les infidèles, et jeté en prison. Délivré la nuit par un Ange, il reçoit l'ordre de chercher Maximien, évêque de Nole, qui, accablé de vieillesse et désespérant de pouvoir supporter les supplices des persécuteurs, s'était caché dans une forêt. Félix, conduit par Dieu, arrive près du saint évêque, qu'il trouve gisant à terre et presque sans vie ; il le ranime, le prend sur ses épaules et le confie aux soins efficaces d'une veuve chrétienne. Mais comme il accusait de nouveau d'impiété les adorateurs des idoles, ils se précipitèrent sur le saint, qui, fuyant leur poursuite, se cacha dans l'intervalle étroit de deux murailles. L'entrée de ce lieu parut aussitôt couverte de toiles d'araignées, si bien que personne ne put soupçonner qu'on vînt de s'y cacher à l'heure même. Félix, ayant donc quitté cette retraite, demeura caché trois mois dans la maison d'une pieuse femme. Lorsque l'Eglise de Dieu recouvra la paix, il revint à Nole ; les exemples de sa vie, ses enseignements et ses miracles convertirent un grand nombre d'hommes à la foi du Christ. Il refusa avec constance l'épiscopat de cette ville, s'endormit dans le Seigneur, et fut enseveli près de Nole, au lieu dit in Pincis.

Soustrait par Dieu même à la rage des persécuteurs, Félix n'en a pas moins obtenu le titre de martyr pour son courage invincible dans des tourments et une captivité qui devaient naturellement aboutir à la mort. Déjà inscrit au ciel dans la blanche armée des athlètes du Seigneur, il devait encore longtemps réjouir et fortifier l'Église par l'exemple de cette pauvreté admirable, de cette humilité, de cette charité ardente qui lui donnent place, sur le cycle sacré, près de l'humble berceau du Roi pacifique.

Il a aimé, il a suivi l'Enfant-Dieu dans Son obscurité volontaire; et voilà qu'aujourd'hui ce Roi des Anges et des hommes, manifesté au monde, adoré par les rois, partage avec Lui la gloire de Sa triomphante Épiphanie. Au vainqueur je donnerai de s'asseoir avec moi dans mon trône, dit le Seigneur. (Apoc. III, 21.) En qui plus qu'en Félix de Nole s'est réalisée sur terre la promesse bénie du divin chef à ses membres? Un pauvre tombeau venait de recevoir la dépouille mortelle de l'humble prêtre de Campanie, qui semblait devoir y attendre, dans le silence et l'obscurité qu'il avait tant aimée, le signal de la trompette de l'Ange au jour de la Résurrection. Soudain des miracles éclatants et nombreux illustrent cette tombe; le nom de Félix, porté en tous lieux, opère en tous lieux les mêmes prodiges de grâce ; à peine la paix est-elle rendue à l'Eglise et au monde par l'avènement de Constantin à l'empire, que de toutes parts les peuples s'ébranlent; des foules sans nombre affluent au tombeau du martyr; Rome elle-même se dépeuple à certains jours, et l'antique voie Appienne, dont le sol disparaît sous les pas pressés des pèlerins, semble n'avoir jamais eu d'autre destination que de porter aux pieds de Félix les hommages, la reconnaissance et l'amour du monde entier. Cinq basiliques ne suffisent pas à l'immense concours; une sixième s'élève, et une ville nouvelle couvre le champ solitaire où furent autrefois déposés les restes précieux du martyr. Pendant tout le quatrième siècle, qui à tant d'autres grandeurs joignit celle de donner son extension entière au grand mouvement des pèlerinages, la ville de Noie en Campanie demeure pour l'Occident le principal centre, après Rome, de ces manifestations si catholiques de la foi chrétienne. «Heureuse ville de Nole», s'écrie un contemporain, témoin oculaire de ces merveilles, «heureuse ville, qui, par le bienheureux Félix, est devenue la seconde après Rome même, Rome la première autrefois par son empire et ses armes victorieuses, la première encore aujourd'hui par les tombeaux des Apôtres!» (Paulini, De S. Felice natalitium carmen II.)

Nous venons de citer Paulin, l'illustre consulaire dont le nom est à jamais inséparable de celui de Félix, saint Paulin que nous retrouverons, au Temps après la Pentecôte, donnant lui aussi au monde, sous le souffle du divin Esprit, d'admirables exemples de renoncement. Dans la fleur de sa brillante jeunesse, prévenu déjà par les honneurs et la gloire, Paulin, un jour, s'est rencontré près du tombeau de Félix; il a compris à ce tombeau la vraie grandeur et pénétré le néant des gloires humaines: le sénateur romain, le consul, le descendant des Paul-Emile et des Scipion, se voue à son vainqueur ; il sacrifiera tout, richesses, honneurs, patrie, à l'ambition d'habiter près de cette tombe; doué d'un talent poétique admiré dans Rome, il n'aura plus d'inspiration que pour chanter chaque année, au jour de sa fête, la gloire du bienheureux Félix, et se proclamer l'esclave, l'humble portier du serviteur du Christ. Tel est en ses saints le triomphe de l'Emmanuel ; telle est la gloire des membres, en ces jours où le divin chef ne semble se manifester lui-même que pour les montrer, selon sa promesse, assis dans un même trône et recevant comme lui les hommages des peuples et des rois.

Prière

Ce jour, dirons-nous avec le noble chantre de vos grandeurs, ô Félix, est le vingtième après celui où l'Emmanuel naissant dans la chair, soleil nouveau vainqueur des frimas, ramena la lumière et fit décroître les nuits. Sa splendeur est la vôtre. Faites qu'échauffés par ses rayons fécondants, nous croissions comme vous en lui. Redevenus enfants à la crèche, la semence du Verbe est en nous ; qu'elle fructifie dans l'innocence d'un cœur nouveau. Par vous, le joug du Christ est léger aux faibles; par vous l'Enfant-Dieu s'adoucit, et rend ses caresses aux âmes pénitentes. Ce jour donc aussi doit nous être cher qui vous vit naître au ciel; car par vous, nous mourons au monde et naissons à l'Emmanuel.

Dom Prosper Guéranger, o.s.b., L'Année liturgique, Paris, Librairie religieuse H. Oudin, 1900, Tome I