Bouquet spirituel:
18 mai
Félix vit le jour à Cantalice, bourgade située au pied de l'Apennin. Dès le bas âge, il manifesta de telles marques de prédestination que ses compagnons l'avaient surnommé "le petit Saint". Ses parents, qui étaient de pauvres laboureurs, l'employèrent de bonne heure à garder les troupeaux. Cette vie allait bien à l'âme méditative de l'enfant: peu enclin aux conversations oiseuses, il recherchait les lieux solitaires, et y répétait souvent le Pater et l'Ave et les quelques formules pieuses qu'on lui avait apprises. Lorsque les autres bergers se livraient au sommeil, lui s'agenouillait devant un arbre sur l'écorce duquel il avait gravé une Croix.
À neuf ans, Félix passa au service d'un riche bourgeois qui lui confia d'abord la garde de ses troupeaux, puis le chargea du labourage de ses terres. Le jeune homme aima son nouvel emploi qui lui permettait d'assister tous les jours à la Messe avant de se rendre aux champs. Cet humble travailleur, sans instruction, qui n'avait fréquenté aucune école, avait beaucoup appris du Saint-Esprit. Comme il l'avouait plus tard, il ne connaissait que six lettres: cinq rouges et une blanche. Les cinq rouges étaient les cinq plaies du Sauveur, et la blanche était la Vierge Marie.
Dieu lui inspira d'embrasser un genre de vie plus parfait. À un parent qui lui objectait les austérités de la vie religieuse, il répondit: "Je veux être religieux tout de bon ou ne pas m'en mêler". Il alla frapper à la porte des Capucins. À la vue de ce paysan du Danube, le Père Gardien, voulant l'éprouver, lui dit: "Vous venez sans doute ici pour avoir un habit neuf et y vivre sans rien faire. Ou bien vous croyez que vous allez commander aux religieux comme vous commandiez à vos boeufs. Renoncez à ce projet et n'y pensez plus". Mais le postulant répondit à ce compliment si humblement et si sensément que le terrible Gardien l'admit sur-le-champ.
Devenu profès, le Frère Félix fut fixé au couvent de Rome avec les attributions de quêteur. Il resta quarante ans dans cet humble emploi, allant chaque jour, la besace sur le dos, pieds nus, et récitant son chapelet, quêter la subsistance de ses Frères. Les humiliations, comme les peines corporelles, étaient pour lui ses roses du Paradis; il ne craignait pas de s'appeler lui-même l'âne du couvent des Capucins. "Mais où est-il donc, votre âne? Frère Félix", lui demanda-t-on un jour. -- "C'est moi!" répondit l'humble religieux.
Dans sa vieillesse, le Cardinal protecteur de l'Ordre lui offrit de le faire décharger de ses fatigantes fonctions. "Monseigneur, répondit Félix, laissez-moi mon office de quêteur: un soldat doit mourir l'épée à la main, un âne sous sa charge, et Frère Félix sous sa besace".
La mortification allait de pair avec son esprit de pauvreté et d'humilité: il se privait même des satisfactions les plus légitimes, telles que de s'approcher du feu l'hiver. "Allons, Frère âne, disait-il à son corps, il faut que tu te réchauffes sans feu; car c'est ainsi que doivent être traitées les bêtes de somme... Loin du feu, Frère âne, loin du feu! C'est devant le feu que saint Pierre renia son Maître."
Après avoir achevé de le purifier par de douloureuses infirmités, patiemment supportées, Dieu rappela à Lui le Frère Félix, le 18 mai 1587.
J.M. Planchet, Nouvelle Vie des Saints, p. 199