Bouquet spirituel:
27 septembre
Elzéar, ou Augias, comte d’Adrian, naquit à Robians, diocèse d'Apt, vers l'an 1285. Son père fut Hermangaud de Sabran, comte d’Arian, et sa mère, Laudune d'Aube de Roquemartine, surnommée «la bonne comtesse», à cause de sa charité. À la naissance de son fils, elle rendit grâces à l’Auteur de la vie et Lui fit cette prière: «Si par votre science infinie vous prévoyez qu'il doive être rebelle à Votre sainte volonté, je Vous conjure que Vous l'ôtiez de ce monde dès qu'il aura été régénéré dans les eaux du baptême.»
Les vœux d'une si vertueuse mère furent exaucés: l'enfant suça la piété avec le lait. À cinq ans, il distribuait aux pauvres tout ce qu’on lui donnait pour ses divertissements. Au sortir de l'enfance, il fut mis sous la conduite de son oncle, Guillaume de Sabran, abbé de Saint-Victor de Marseille, pour apprendre les éléments de la religion et étudier les lettres humaines. Il n’était encore âgé que de dix ans quand son père le fiança à une vertueuse demoiselle de qualité, nommée Delphine; au moment du mariage, celle-ci lui demanda de pouvoir vivre en toute continence, ce qu’Elzéar accorda sans en prendre toutefois l’engagement.
À quinze ans, au jour de la fête de l’Assomption, il eut une vision de Notre-Seigneur, qui orienta définitivement sa vie vers la recherche de la sainteté. Elzéar croyait devoir quitter le monde pour suivre la voie que lui montrait le divin Maître. «Je sais ce que vous pouvez, et ce que vous ne pouvez pas, lui fut-il répondu; je suppléerai à votre faiblesse. Gardez votre virginité et ayez confiance en moi!»
Toutefois, dans le but de se soustraire aux servitudes et aux distractions de la vie du monde, il obtint de ses parents de quitter le manoir.
paternel et de s'établir dans le château de Puimichel, propriété de sa
femme. Ce jeune chef de famille fit de sa maison un monastère fervent
et soumis au règlement suivant:
1. Tous mes domestiques doivent entendre la messe tous les jours.
2. Le blasphème est banni de ma maison.
3. Tous doivent respecter la pudeur.
4. Se confesser souvent, et communier aux principales fêtes.
5. Je veux qu’on évite l’oisiveté.
6. Point de jeux de hasard; il y a assez de récréations innocentes.
7. Que l'envie, la jalousie, les rapports ne divisent jamais mes gens.
8. S'il éclate quelque querelle, je veux qu’on se réconcilie avant la nuit.
9. Tous les soirs, conférence où l’on parlera de Dieu.
10. Je défends à tous mes officiers de faire tort à personne.
Il donnait tous les jours à dîner à douze pauvres ou lépreux, leur lavait les pieds et les baisait tendrement. À la mort de son père, il trouva parmi ses papiers des lettres que certains seigneurs lui avaient écrites pour le détourner de le faire son héritier; bien loin d’en garder du ressentiment, il conserva le secret pour lui, et les traita toujours avec une charité parfaite.
Pour ne point négliger son salut en assurant celui des autres, Elzéar récitait tous les jours l’office divin, jeûnait tous les vendredis de l’année et tout l’Avent; il portait sous ses habits un cilice qu'il ne quittait pas même la nuit. À l’âge de vingt-sept ans, lui et son épouse, émirent le vœu de chasteté perpétuelle, en présence de la bienheureuse Garsende, sainte veuve qui avait été sa gouvernante et son Egérie.
Robert, roi de Naples, lui confia la charge de précepteur de son fils et successeur éventuel. En cette circonstance, Elzéar fit preuve d’une grande vertu, en résistant aux mille tentations de monnayer sa protection, alléguant avec raison, qu’en cette voie, après avoir accepté ce qui est permis, on finit par ce qui est défendu: on prend d’abord les fruits, puis le panier, et enfin l’arbre et même le jardin.
En 1328, le roi de Naples le délégua auprès de Charles IV, roi de France, dans le but de demander pour son élève la main de Marie, fille du comte de Valois, oncle du roi. La négociation eut un plein succès, et le mariage fut conclu.
Sur ces entrefaites, Elzéar tomba très gravement malade à Paris, et comprit qu’il touchait à sa fin. Il se fit lire de temps en temps la Passion du Sauveur pour y apprendre à bien mourir. Quand- il entendit le prêtre lisant les prières des agonisants, réciter: «Par votre Croix et votre Passion, délivrez-le!» il fit un effort et répondit : «Haec spes mea, in hac mori volo: C’est là toute mon espérance, en laquelle je veux mourir.»
Puis il ajouta: «Je ne suis qu’un méchant homme, mais la sainteté de ma femme m'a mis dans le chemin du salut; je l'ai épousée vierge et je la laisse avec sa virginité.»
C’est dans ces sentiments qu’il rendit l’esprit, le 27 septembre 1323, à l’âge de trente-huit ans. Son corps, ramené à Apt, est vénéré dans l’ancienne cathédrale, avec celui de sainte Delphine, son épouse.
J. M. Planchet, C.M., Nouvelle Vie des Saints, 2e éd. Paris, 1946