Bouquet spirituel:
29 février
Dosithée fut élevé dans la maison d’un officier qui l’aimait comme son fils. On lui apprit à vivre dans le luxe et la mollesse, on le laissa dans une profonde ignorance des vérités de la religion. Il entendit parler un jour de Jérusalem et des lieux saints: cela lui donna envie d’y faire un voyage. Il en demanda la permission à l’officier; celui-ci le confia à un de ses intimes amis qui allait en Palestine.
Après qu’ils eurent visité les saints lieux dé Jérusalem, ils allèrent à Gethsémani, où ils virent entre autres choses un tableau représentant les supplices de l’enfer. Le jeune homme était appliqué à le regarder; mais, comme il n’avait jamais ouï parler de l’enfer et des jugements de Dieu, il ne pouvait deviner ce que c’était. Il se trouva la une dame qui lui expliqua toutes les parties de ce tableau, et qui y joignit quelques avis. Dosithée l’écouta attentivement, et, Dieu lui ayant en même temps touché le cœur, il demanda à cette dame ce qu’il fallait faire pour éviter ces terribles supplices.
«Jeûnez et priez, répondit-elle; en vivant de la sorte, vous éviterez ces supplices. Dès ce moment, Dosithée commença à observer fidèlement ces deux choses. Un changement si subit donna de l’inquiétude à celui à qui on l’avait confié. Quand on vit qu'il continuait, les gens de sa compagnie lui dirent: «La manière dont vous vivez ne convient point à un homme du monde; si vous êtes résolu d’y persister, vous ferez mieux de vous retirer dans un monastère pour y travailler à votre salut. Dosithée, qui ne savait ce que c’était qu’un monastère, pria ceux qui lui donnaient ce conseil de lui en indiquer un. On le conduisit à celui de l’abbé Séride, qui était dans le territoire de Gaza.
L’abbé, voyant un jeune homme bien fait, fort délicat, vêtu en homme de cour, fit quelque difficulté de le recevoir: il craignait que ce ne fut une feinte, ou tout au plus quelques mouvements de ferveur passagère. Il le fit examiner par un de ses moines appelé Dorothée, qui avait soin des malades, homme d’un grand discernement et fort avancé dans la perfection. Dorothée lui fit plusieurs questions, auxquelles le jeune homme ne savait d’autre réponse que ces deux mots: Je veux me sauver. Il alla en faire son rapport à l’abbé, et lui dit que ce jeune homme n’avait aucun vice, et qu’on pouvait le recevoir sans rien craindre. L’abbé, qui ne jugeait point devoir encore l’admettre aux exercices de la communauté, ordonna à Dorothée de le prendre sous sa conduite.
Dorothée gouverna son élève avec beaucoup de sagesse et de dévotion. Il s’appliqua principalement à lui inspirer les vertus essentielles à l’état ecclésiastique; il lui apprit à être humble et obéissant, et à renoncer en tout à sa volonté et à son esprit. Dieu donna par Sa grâce un heureux succès à son travail. La vertu de l’obéissance parut en un degré si éminent en saint Dosithée, qu’on peut la regarder comme le caractère particulier qui le distingue de plusieurs autres Saints.
Dosithée passa cinq années dans ce monastère sans avoir jamais fait sa propre volonté dans la moindre chose, ni donné aucune marque de trouble. Au bout de ce temps, il tomba malade du poumon, jusqu’à cracher le sang. Quoique fort jeune encore, il ne tenait plus à la vie; il n’était appliqué qu’à réprimer ses désirs, et à persévérer jusqu’à la mort dans la sainte obéissance et dans la pratique de la mortification. Dorothée néanmoins lui faisait prendre tous les remèdes dont le malade pouvait recevoir quelque soulagement. Il l’exhortait à persévérer dans la prière autant que ses forces le lui permettaient, et il lui demandait de temps en temps comment allait ce saint exercice. Le malade avait l'esprit continuellement appliqué à Dieu, disant: Seigneur Jésus, mon Dieu, ayez pitié de moi: Fils de Dieu, secourez-moi. À la fin, sa faiblesse devint si grande qu’il n’était plus capable d’application, saint Dorothée lui dit alors de ne point s’inquiéter, et de penser seulement que Dieu était présent. Après avoir souffert de longues et cruelles douleurs avec une patience admirable, il passa de cette vie à la bienheureuse éternité, par une mort paisible dont on ignore la date.
Vies des Saints pour tous les jours de l’année, Nouvelle édition, 1884