Bouquet spirituel:
30 Octobre
Saint Alphonse Rodriguez, de Ségovie, en Espagne, était fils d’un riche marchand drapier dont il continua le commerce. Ayant essuyé des revers et perdu sa femme ainsi que ses deux enfants, il pratiqua dans le monde durant six ans, toutes les vertus chrétiennes. Enfin désireux d’une plus grande perfection, il entra, à l’âge de trente-neuf ans, dans la Compagnie de Jésus en qualité de Frère coadjuteur. Dès le début, de son noviciat, sa sainteté se révéla d’une manière évidente.
Chargé de l’office de portier au collège récemment fondé dans l’île Majorque, il se sanctifia dans cet emploi pendant quarante-six ans. Sa renommée franchit bientôt les murs du collège. On voyait les personnes du plus haut rang s’adresser à l’humble religieux et recevoir pieusement ses conseils.
Mais la modeste loge d’Alphonse Rodriguez fut le théâtre d’entretiens autrement précieux au cœur du saint. Il y recevait la visite de Notre-Seigneur et de son aimable Mère. Ces apparitions lui furent en quelque sorte familières durant toute sa vie.
Alphonse allait à Dieu avec la simplicité et la confiante familiarité d’un enfant. Cet abandon filial semblait encore plus grand envers la très sainte Vierge. Dès ses premières années, le saint avait reçu de cette divine Mère les plus précieuses faveurs. Elle lui prouva son amour dans les luttes de plusieurs années qu’il dut soutenir contre le démon.
Pour vaincre l’ennemi de son âme, Alphonse ajoutait à la prière une grande mortification. Il prenait la discipline trois fois par jour et portait un rude cilice. Son empire sur ses sens l’avait fait surnommer le Frère mort. Son esprit de pauvreté était exemplaire: tous les vêtements lui étaient bons, pourvu qu’ils fussent usés. Pour ornement, dans la cellule de ce pauvre de Jésus-Christ, on voyait un crucifix et une image de la très sainte Vierge sans valeur artistique.
Son obéissance était parfaite. Pour savoir jusqu’où elle irait, le recteur du collège lui commanda un jour de s’embarquer. Alphonse partit sans réplique. On fut obligé de l’arrêter en chemin: «Où alliez-vous, lui demanda le Supérieur, puisque vous ignoriez le but du voyage, et quel vaisseau vous deviez prendre? — J’allais faire l’obéissance, répondit le saint.»
Alphonse reçut de Dieu le don de prophétie et celui des miracles. Il vit au ciel le trône préparé à saint Pierre Claver, son disciple et ami, et il lui suggéra la pensée d’aller évangéliser les Indes occidentales.
Le jour de la récompense allait enfin sonner pour ce vaillant serviteur de Dieu. Après avoir reçu le saint viatique, le mourant, fermant les yeux, entra dans un ravissement qui dura trois jours. Le 31 octobre 1617, il revint à lui, prononça distinctement le nom adorable de Jésus et rendit son âme à Dieu. Agé de quatre-vingt-six ans, il en avait passé quarante-six en religion.
Vie des Saints pour chaque jour de l'année, à l'usage des Frères des écoles chrétiennes, Paris, Procure Générale, 1932