Vies des Saints
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Bouquet spirituel:

9 juillet

Les dix-neuf Martyrs de Gorcum
Les dix-neuf Martyrs de Gorcum

Les dix-neuf
Martyrs de Gorcum
(† 1572)

Lors de la révolte des Protestants des Pays-Bas contre le gouvernement de la catholique Espagne, un certain nombre de révoltés, appelés «Gueux de mer», habitaient sur des vaisseaux aux bouches de l'Escaut.  C'étaient en général des gens de sac et de corde, qui, sous prétexte de religion, exerçaient sur mer la piraterie, et sur terre les pires violences contre les prêtres et les religieux.

En avril 1572, les Gueux se présentèrent à l'improviste devant la ville de Gorcum et promirent aux habitants de respecter la liberté religieuse de tous, prêtres et laïques; se fiant à cette promesse, les citoyens leur ouvrirent les portes de la ville.  Moins confiant, le Gouverneur se retira dans le château avec tous ceux qui n'avaient pas confiance en la parole de ces écumeurs de mer.  Malgré la bravoure du Gouverneur, le château, dépourvu de troupes et de munitions, ne pouvait tenir longtemps.  De leur côté les Gueux, redoutant l'arrivée de secours, réitèrent les promesses d'amnistie pleine et entière.  Alors les assiégés se confessent mutuellement, reçoivent le saint Viatique, et on laisse entrer les Gueux.

A peine la bande de huguenots est-elle dans la place qu'elle se jette sur les assiégés pour les fouiller et les dépouiller.  Ils les font ensuite comparaître pour leur arracher l'aveu de l'endroit où ils ont caché leurs trésors.  S'attaquant d'abord à Nicolas Janssen, curé de Gorcum, ils lui enroulent autour du cou la corde d'un franciscain, la font passer sur la porte de la prison, et la tirant, soulèvent et lâchent tour à tour le malheureux prêtre, jusqu'à ce qu'ils le voient près d'expirer.  C'est alors le tour du Père Gardien, Nicolas Pieck.  Après plusieurs secousses effroyables, la corde casse, le patient tombe inanimé. Est-il mort ? Pour s'en assurer, un bourreau promène sur son visage la flamme d'un cierge; il la fait entrer dans les narines, dans la bouche, lui brûle la langue et le palais. Dans la prison du château, des scènes de ce genre se renouvellent huit jours durant.

Le samedi 5 juillet, la phalange des confesseurs fut dirigée sur Brielle, où elle devait trouver son Calvaire. Là, dans une grotesque procession, on les obligea à faire le tour de la potence, puis de recommencer à reculons, en chantant le « Salve Regina.»  Cependant, sur leur passage, des femmes trempent leur balai dans l'eau sale et les aspergent en parodiant « l'Asperges me.»  Un des confesseurs de la foi, ancien pèlerin de Terre Sainte, ne peut s'empêcher de dire : « J'ai vécu chez les Turcs et les Maures ;  jamais je n'ai rien vu de pareil.»  Détail touchant, le peuple réclama ensuite l' « Oremus.»  Un saint vieillard s'exécuta en y substituant l'oraison de la fête de Notre-dame des Sept-Douleurs, que tous le monde écouta en silence :  « Seigneur Jésus-Christ, que la Bienheureuse Vierge Marie, votre Mère, dont la très sainte âme fut percée d'un glaive de douleur au moment de votre Passion, daigne bien intercéder pour nous, maintenant et à l'heure de notre mort.»

Ramenés en prison, ils sont pressés d'apostasier, mais la plupart demeurent inébranlables dans leur croyance. Furieux de leur échec, et désireux d'en finir avec leurs prisonniers, les Gueux les conduisent la nuit même dans un ancien monastère abandonné; il jettent des cordes sur deux poutres, et dressent une échelle. Bientôt dix-neuf corps se balancent dans le vide. Le lendemain matin, 9 juillet, la populace était admise à insulter les corps de ces martyrs ; elle le fit aussi copieusement que lâchement.

Au nombre des victimes de cette hécatombe, on comptait : onze Frères Mineurs de l'Observance ; un Dominicain ; deux Prémontrés ; un chanoine régulier de Saint-Augustin, et quatre prêtres du clergé séculier.

Pie IX a inscrit ces dix-neuf confesseurs de la foi au nombre des martyrs, le 29 juin 1866.

J.-M. Planchet, Nouvelle Vie des Saints, 2e éd. Paris, 1946