Vies des Saints
nos modèles et nos protecteurs

Bouquet spirituel:

«Que celui qui voudra être le plus grand parmi vous soit votre serviteur.»

S. Matth. 20, 26

23 juin

Sainte Étheldrède ou Édeltrude
Sainte Étheldrède ou Édeltrude

Sainte Étheldrède
ou Édeltrude
Reine et Abbesse
(v. 630-679)

Nous avons vu, en sainte Marguerite d’Écosse, le modèle d’une grande reine et un exemple parfait de la manière dont les reines et les grandes princesses se doivent comporter envers Dieu et Son Église, et envers leurs maris, leurs enfants, leurs officiers et leurs sujets. Voici aujourd’hui une autre reine, beaucoup plus ancienne que la précédente, qui nous fera voir que la sainteté n’est pas incompatible avec la grandeur, ni l'innocence et la virginité avec un mariage illustre et plein de gloire. C’est la bienheureuse Édeltrude, que Dieu n’a élevée à la dignité de reine d’Angleterre que pour rendre ses vertus plus éclatantes et pour la proposer à tout ce royaume comme un modèle accompli du détachement du monde et de tout ce qu’il a de biens, d’honneurs et de plaisirs.

Elle était fille d’un roi des Saxons orientaux, appelé Anna, dont le vénérable Bède décrit souvent les belles actions et les excellentes vertus; elle eut pour mère sainte Héreswide, princesse du sang des rois de Northumberland. Elle était sœur de sainte Sexburge, de sainte Withburge et de sainte Ethelburge, qui mourut religieuse en France. Elle naquit à Ermynge, dans le comté de Suffolk, et fut élevée dans la crainte de Dieu.

Un amour ardent pour Jésus et une tendre dévotion pour Marie s’emparèrent de ce cœur simple et droit, et de bonne heure la jeune vierge connut le désir de passer sa vie dans une continence parfaite. On vit bientôt paraître en elle les semences de cette vertu éminente où on la vit parvenir depuis, et elle donna en toutes rencontres des marques du mépris qu’elle faisait des plaisirs de la vie, des grandeurs et des richesses de la terre, témoignant qu’elle en attendait de plus solides dans le Ciel.

Malgré son désir d’embrasser la vie religieuse, son père la donna en mariage à Tonbercht, prince des Girviens méridionaux. Elle obtint de son époux qu’ils vivent dans la continence; ils se séparèrent pour mieux vaquer au service de Dieu. Elle se retira dans l’île d’Ely, qui lui avait été donnée pour douaire; là elle mena, pendant l’espace de cinq années, une vie véritablement angélique. Loin de se laisser tenter par tout ce qui enchante les mondains, elle faisait consister sa gloire dans la pratique de la pauvreté volontaire et des humiliations. Son plus grand plaisir était de chanter nuit et jour les louanges du Seigneur.

Lorsque son premier mari fut mort, Egfrid, roi de Northumberland, la poursuivit des plus vives instances jusqu’à ce qu’elle consentît à l’épouser. Elle sut, dans le second mariage comme dans le premier, conserver intacte la fleur de sa virginité. Nous avons pour garants de ce prodige deux grands Saints qui nous en assurent: saint Wilfrid, archevêque d’York, et le vénérable Bède, insigne docteur de l’Église; et Dieu même en a voulu donner une grande preuve, en conservant son corps incorruptible plusieurs années après sa mort.

Après douze ans passés dans cette union virginale, Édeltrude supplia instamment le roi son mari de lui permettre de quitter la cour et de se retirer dans une maison religieuse. Le roi l'aimait tendrement, comme il était parfaitement aimé d’elle, ce qui rend leur continence encore plus admirable; néanmoins, il se laissa enfin fléchir par ses prières, et consentit qu’elle suivit l'attrait de Dieu qui l’appelait à une vie plus parfaite que celle de la cour. Elle entra donc au monastère de Coldhingam, et reçut le voile de religieuse des mains du saint archevêque Wilfrid, sous la conduite d’Ebbe, tante du roi, qui en était supérieure.

Sa vie, en ce lieu de pénitence, fut un modèle de toutes les vertus, et quoiqu’elle fût encore novice, elle y parut si consommée dans l’observance des Règles de la congrégation, qu’après un an on la fit elle-même abbesse, dans l’île d’Ely, où elle était retournée en 672, et où elle fonda deux monastères, dont un pour les moines.

Ainsi, cette grande princesse se vit bien plus heureusement mère que si elle avait donné beaucoup d’enfants à son mari; et comme elle avait allié, dans le monde, la virginité avec le mariage, elle allia dans sa retraite la fécondité spirituelle avec la virginité. Elle joignit aussi une grande mortification de son corps et de tous ses sens aux soins continuels que sa charge de supérieure lui donnait. Son oraison était continuelle, et elle la faisait, surtout le matin, avec tant de ferveur, que, bien qu'elle eût assisté aux offices du milieu de la nuit, le lever du soleil la trouvait toujours en prière.

Elle passa ainsi le reste de sa vie, qui fut encore de sept ans, dans une innocence et une piété tout à fait exemplaires; et, étant encore assez jeune, mais pleine de bonnes œuvres et de mérites, elle mourut de la peste en son monastère, le 23 juin 679. Sa mort ne lui avait pas été imprévue. Dieu lui avait fait connaître, auparavant, que sa maison serait attaquée d’un mal contagieux; qu’un certain nombre de ses filles en mourraient, et qu’elle-même les accompagnerait dans ce passage à l’éternité. Lorsqu'une tumeur maligne se développa sur son cou, elle souffrit avec une patience héroïque la douleur des incisions que le chirurgien y fit. «Je n’ai point de mal, disait-elle, que je n’aie justement mérité; je me souviens qu’étant toute jeune j'ai porté sur ce cou de gros colliers de perles qui en faisaient l’ornement superflu. Dieu me fait beaucoup de miséricorde de vouloir punir en cette vie les vanités et les légèretés de cet âge, afin de ne pas les punir en l’autre vie.»

On la représente avec une couronne à ses pieds, pour montrer qu’elle a su mépriser les grandeurs du monde.

Les Petits Bollandistes, Vies des Saints, Tome 7, Paris, Bloud et Barral, 1876

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